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Une section consacrée au surréalisme dans la salle Max Jacob

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Création d'une section surréaliste en salle Max Jacob

Le musée se lance dans une entreprise qui renoue avec l’esprit d’un mouvement qui a chamboulé tous les codes artistiques et encouragé de multiples aventures et expériences : une partie de la salle dédiée à Max Jacob fait désormais place au mouvement surréaliste !

« La ville dans mon souvenir, à la fois soleilleuse et mouillée, trempe encore par toutes ses lisières comme une ville d’Ys dans la rumeur tonique de la mer océane : cette mer n’était pas si lointaine que par les nuits de tempête on ne perçût vaguement par intervalles au creux des rues mortes la canonnade qui martelait les côtes...Petite capitale quiète, autour de sa cathédrale de lichen gris, au bord de sa rivière aux chevelures d’algues vertes... », Julien Gracq, Carnets du grand chemin.

Comme il est plaisant de pouvoir citer à Quimper, dans la ville où il a exercé le métier d’enseignant pendant l’Entre-deux-guerres, ces quelques lignes de Julien Gracq, écrivain si proche du surréalisme et surtout, d’André Breton. Car, il nous fallait bien ce formidable parrainage pour se lancer au musée des beaux-arts dans une entreprise qui renoue avec l’esprit d’un mouvement qui a chamboulé tous les codes artistiques et encouragé de multiples aventures et expériences.

Saluons à cette occasion la générosité, si féconde pour les musées, d’Aube Elléouët-Breton. Elle a réservé la meilleure part pour Quimper en offrant des œuvres précieuses d’Yves Elléouët. Mais une autre bonne fée s’est penchée sur le berceau du musée, Catherine Prévert, qui a offert en 2017 une œuvre historique d’Yves Tanguy, Le Pont. Ce tableau, qui a comblé une absence dans nos collections, est devenu désormais, notre « Talisman », l’œuvre obstinément désirée pour une section surréaliste en construction !

Depuis, avec le concours toujours enthousiaste de l’association des Amis du musée et de Mécénat Bretagne, nous avons pu compléter ce petit fonds en accueillant une œuvre troublante et énigmatique de Pierre Roy. Maintenant, c’est Anne Le Moal qui favorise nos collections grâce au don opportun d’une toile précoce et étrange de son père, Jean Le Moal. Ses Menhirs datant de 1935 rappellent ainsi l’emprise du surréalisme sur nombre de jeunes artistes de l’Entre-deux-guerres. L’aventure continue aujourd’hui et nous faisons le pari que le fascinant Portrait de Sonia Veintraub peint en 1934 par Jacques Hérold et acquis en 2019 avec le concours des Amis du musée, apportera une séduction supplémentaire à notre ensemble.

 

Max Jacob, anté-surréaliste ou anti-surréaliste ? 

Les ouvrages de Max Jacob présentent des caractéristiques surréalistes avant même que le courant ne soit né et malgré le déni d’André Breton de lui octroyer toute influence.
On pense bien sûr au Cornet à dés ou au Phanérogame où il n’y a certes pas d’automatisme psychique pur mais « une association libre des idées sans contrôle » selon les termes de Max lui-même.

« La présence chez Jacob de liaisons a-logiques de mots, le pouvoir de la surprise, la place de l’humour, du rêve, et d’un merveilleux tantôt léger et fantaisiste, tantôt bouleversant en son intensité, nous font comprendre qu’il ait exprimé sa déception et même quelque rancœur devant ce qu’il voyait comme une fin de non-recevoir de la part de celui qui était tout-puissant dans les cercles surréalistes [André Breton], qui avait accordé l’appellation de « surréaliste » non seulement à Saint-Pol-Roux, mais encore à Léon-Paul Fargue et à Saint-John Perse, mais à qui purent déplaire les pirouettes de l’auteur des Pénitents en maillot rose [Max Jacob] et qui le jugea avec une surprenante sévérité. »

Voici ce que dit Max Jacob du surréalisme dans les années1930 :

« Ce que je pense du surréalisme
Je suis gêné ; j’en parle rarement… ces hommes se sont certes servi de leurs précurseurs mais ils ont agrandi l’art ; ils l’ont mêlé à la vie, à la vie moderne ; ils se sont annexé le freudisme, l’occultisme, l’anticléricalisme, le communisme. Ils ont fait un louable usage des mots concrets… […]
Il y a parmi eux un écrivain qui sait écrire : André Breton ; un véritable poète du sensible : Paul Eluard ; un humoriste très original : Benjamin Péret… A 23 ans, j’ai songé que la seule originalité ne pouvait être qu’une descente dans l’inconscient : j’ai utilisé, moi premier, le rêve nocturne, l’association libre des idées sans contrôle… De là, l’accusation de démence, de stupidité qu’on ne m’a pas épargnée. Or congénitalement, j’étais fait pour l’amour et l’humour… Dans les œuvres burlesques et mystiques qui font suite au Matorel, on voit cohabiter mes trois tendances : amour, humour, inconscience… »

« J’ai eu bien de l’aigreur ces jours-ci à propos du surréalisme. On étale les hallucinations de l’œil et de l’ouïe à M. André Breton, en travail, en demi-sommeil et autres calembours mystiques. J’ai passé ma vie à travailler ainsi et c’est lui qui a le bénéfice de cette découverte pour l’avoir décorée d’un mot qui est d’Apollinaire… et personne ne dit rien, on l’encense et moi, dans mon coin, je deviens de plus en plus obscur et méprisé de la jeunesse. »

D’après l’article de Tatiana Greene, « Max Jacob et le surréalisme », French forum,  University of Pennsylvania Press, 1976