École française 19e siècle

MARINE LA NUIT

Thomas-Alexander HARRISON (1853-1930)

Vers 1895

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Thomas-Alexander Harrison (1853-1930) - Marine, la nuit, vers 1895 - Huile sur toile, 41 x 61 cm - Musée des beaux-arts de Quimper © Musée des beaux-arts de Quimper

Huile sur toile

2015-1-1

Don de l’association des Amis du musée des beaux-arts de Quimper, après achat auprès de la galerie Elstir, Paris.

H. 41 cm - L. 62 cm

Après avoir étudié pendant deux ans (1871-1872) avec Georges W. Pettit à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts de Philadelphie, sa ville natale, Harrison participa durant six ans comme dessinateur à une expédition cartographique gouvernementale le long de la côte du Pacifique. C’est en 1879 qu’il quitta les États-Unis pour s’installer en France, accompagné de ses deux frères, eux-mêmes peintres, Birge Harrison (1854-1929), élève de Luc-Olivier Merson, et Butler Harrison (mort en 1886). Élève de Gérôme et de Bastien-Lepage, Alexander Harrison se fit vite remarquer par des œuvres aux sujets quelque peu anecdotiques mais propices à de belles études de lumière. Le peintre se consacra toutefois bientôt presque exclusivement à la mer avec un grand succès. Il était parfois considéré comme le chef de file des peintres américains de Paris et ouvrit un atelier pour préparer ses compatriotes à l’Exposition universelle de 1889, à laquelle il obtint une médaille.  Il reçut la Légion d’Honneur la même année. Membre de nombreux jurys et comités artistiques, Harrison exposa aux Sécessions de Vienne, Munich et Berlin et il comptait parmi les artistes étrangers les plus influents de Paris. Le grand tableau La Vague (Pennsylvanie Academy of the Fine Arts, 1885) est emblématique de ses vastes visions d’un océan étudié à la fois pour ses infinies nuances chromatiques et une monumentalité panthéiste. En 1893, l’État se porta acquéreur au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts de La Solitude, qui associe un paysage lacustre nocturne à un nu poétique. Bien qu’il peignît aussi d’autres rivages (Venise, Bahia au Brésil), c’est très tôt après son arrivée en France que le peintre découvrit la Bretagne. L’aspiration à représenter de grands espaces incita Harrison à fréquenter la baie de Concarneau plutôt que Pont-Aven. C’est à Beg-Meil, surtout, que l’artiste trouva matière à ses études de lumière et de couleurs. Les grandes plages qui séparent la pointe de Beg-Meil de Bénodet étaient propices à une contemplation sans bornes. On sait que le peintre fut proche du jeune Marcel Proust, et qu’il le fréquenta justement à Beg-Meil. Le futur auteur d’À la recherche du temps perdu y vint en effet plusieurs étés de suite au milieu des années 1890, en compagnie du compositeur Reynaldo Hahn. Chaque soir, l’artiste allait contempler les couchers de soleil et s’imprégnait des effets de lumière ; le musicien et l’écrivain, qui commençait alors à rédiger Jean Santeuil, l’accompagnaient volontiers. À la fois modèle pour le personnage du peintre Elstir, et aussi pour certaines descriptions de la mer qui semblent inspirées de ses peintures, l’artiste semble avoir impressionné l’écrivain qui s’en souvint en écrivant À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Beg-Meil y devient Rivebelle et Proust met dans la bouche d’Elstir des propos tenus par Harrison lui-même, et cités par Hahn, en particulier lorsque le peintre compare la côte de Penmarc’h (sous le nom imaginaire de Carquethuit) aux rivages de la Floride. Dans la belle marine entrée dans les collections de Quimper, et peut-être peinte à Beg Meil, Harrison choisit le nocturne pour évoquer, une fois encore, les infinies nuances de la mer et du ciel. C’est un univers de calme qu’a toutefois choisi le peintre, renonçant aux vagues et aux flots mouvementés pour suggérer la vie silencieuse de l’océan sur lequel veille une lune hypnotique tandis que la présence humaine, réduite à quelques lueurs lointaines, laisse toute la place à la grandeur de la nature.

Jean-David Jumeau-Lafond

École française 19e siècle

MARINE LA NUIT

Thomas-Alexander HARRISON (1853-1930)

Vers 1895

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Thomas-Alexander Harrison (1853-1930) - Marine, la nuit, vers 1895 - Huile sur toile, 41 x 61 cm - Musée des beaux-arts de Quimper © Musée des beaux-arts de Quimper

Huile sur toile

2015-1-1

Don de l’association des Amis du musée des beaux-arts de Quimper, après achat auprès de la galerie Elstir, Paris.

H. 41 cm - L. 62 cm

Après avoir étudié pendant deux ans (1871-1872) avec Georges W. Pettit à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts de Philadelphie, sa ville natale, Harrison participa durant six ans comme dessinateur à une expédition cartographique gouvernementale le long de la côte du Pacifique. C’est en 1879 qu’il quitta les États-Unis pour s’installer en France, accompagné de ses deux frères, eux-mêmes peintres, Birge Harrison (1854-1929), élève de Luc-Olivier Merson, et Butler Harrison (mort en 1886). Élève de Gérôme et de Bastien-Lepage, Alexander Harrison se fit vite remarquer par des œuvres aux sujets quelque peu anecdotiques mais propices à de belles études de lumière. Le peintre se consacra toutefois bientôt presque exclusivement à la mer avec un grand succès. Il était parfois considéré comme le chef de file des peintres américains de Paris et ouvrit un atelier pour préparer ses compatriotes à l’Exposition universelle de 1889, à laquelle il obtint une médaille.  Il reçut la Légion d’Honneur la même année. Membre de nombreux jurys et comités artistiques, Harrison exposa aux Sécessions de Vienne, Munich et Berlin et il comptait parmi les artistes étrangers les plus influents de Paris. Le grand tableau La Vague (Pennsylvanie Academy of the Fine Arts, 1885) est emblématique de ses vastes visions d’un océan étudié à la fois pour ses infinies nuances chromatiques et une monumentalité panthéiste. En 1893, l’État se porta acquéreur au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts de La Solitude, qui associe un paysage lacustre nocturne à un nu poétique. Bien qu’il peignît aussi d’autres rivages (Venise, Bahia au Brésil), c’est très tôt après son arrivée en France que le peintre découvrit la Bretagne. L’aspiration à représenter de grands espaces incita Harrison à fréquenter la baie de Concarneau plutôt que Pont-Aven. C’est à Beg-Meil, surtout, que l’artiste trouva matière à ses études de lumière et de couleurs. Les grandes plages qui séparent la pointe de Beg-Meil de Bénodet étaient propices à une contemplation sans bornes. On sait que le peintre fut proche du jeune Marcel Proust, et qu’il le fréquenta justement à Beg-Meil. Le futur auteur d’À la recherche du temps perdu y vint en effet plusieurs étés de suite au milieu des années 1890, en compagnie du compositeur Reynaldo Hahn. Chaque soir, l’artiste allait contempler les couchers de soleil et s’imprégnait des effets de lumière ; le musicien et l’écrivain, qui commençait alors à rédiger Jean Santeuil, l’accompagnaient volontiers. À la fois modèle pour le personnage du peintre Elstir, et aussi pour certaines descriptions de la mer qui semblent inspirées de ses peintures, l’artiste semble avoir impressionné l’écrivain qui s’en souvint en écrivant À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Beg-Meil y devient Rivebelle et Proust met dans la bouche d’Elstir des propos tenus par Harrison lui-même, et cités par Hahn, en particulier lorsque le peintre compare la côte de Penmarc’h (sous le nom imaginaire de Carquethuit) aux rivages de la Floride. Dans la belle marine entrée dans les collections de Quimper, et peut-être peinte à Beg Meil, Harrison choisit le nocturne pour évoquer, une fois encore, les infinies nuances de la mer et du ciel. C’est un univers de calme qu’a toutefois choisi le peintre, renonçant aux vagues et aux flots mouvementés pour suggérer la vie silencieuse de l’océan sur lequel veille une lune hypnotique tandis que la présence humaine, réduite à quelques lueurs lointaines, laisse toute la place à la grandeur de la nature.

Jean-David Jumeau-Lafond

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