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Paul Le Thimonnier - "Jeune Danseuse javanaise", 1889 - Huile sur toile, 55.4 x 38.4 cm - Musée des beaux-arts de Quimper © Frédérick Harster

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Une danseuse entre au musée

Ce nouveau don des Amis du musée illustre la découverte des cultures et civilisations d’un Orient plus ou moins lointain qui a nourri l’imaginaire de nombreux artistes de l’École de Pont-Aven ou nabis. Ce beau portrait peint par Le Thimonnier témoigne d’une rencontre passionnante avec les arts de l’Insulinde.

Lors de l’Exposition universelle de 1889, l’esplanade des Invalides accueillit dans la section coloniale un village (kampong) javanais édifié par les Pays-Bas. Le village - qui regroupait une soixantaine d’habitants - s’animait chaque jour du spectacle fascinant des « danseuses de Djogyakarta » [Yogyakarta]. Celles-ci attirèrent les foules et subjuguèrent tout autant les écrivains, que les artistes et musiciens.

La femme de lettres Judith Gautier (1845-1917), fille de Théophile Gautier, a laissé un témoignage fidèle de ces spectacles dans son recueil Fleurs d’Orient publié en 1893. Ceux-ci se tenaient au cœur du village, dans une tente où le gamelang égrenait des sonorités étrangères à l’oreille occidentale : cette « musique bizarre » mêlait les sons de la nature à une voix qui semblait discordante au public parisien. L’estrade s’animait de la présence gracieuse de quatre jeunes danseuses de 12 à 16 ans, envoyées par le prince Mangkoenegara V. L’une d’entre elles fut choisie pour modèle par Paul Le Thimonnier. Il en résulte ce portrait sensible et raffiné, fidèle aux clichés photographiques des danseuses et à la description qu’en fit Judith Gautier.

Hiératique, la jeune fille du tableau porte dans sa coiffure – selon la description qu’en donne Judith Gautier - « un diadème d’or ajouré, encadrant le front ». « Un corselet de velours brodé cache les seins et enferme la taille, sans la serrer ; un caleçon violet, moucheté de blanc, s’arrête au genou, et par-dessus s’enroule un pagne d’étoffe ramagée, noué par une longue écharpe jaune soufre, ou rose, [qui] se prolonge en une traîne étroite ». « Au sommet du bras un bracelet d’or est fermé par un papillon ; les jambes et les pieds nus sont frottés d’une poudre [de safran ?] qui les rend d’un jaune différent de celui des épaules ». Leur danse surprit et séduisit les spectateurs par l’importance accordée aux gestes des mains et des jeux d’écharpe, par leur grâce et leur gravité, par la « mystérieuse tristesse » qui semblait émaner de leur être gracile.

Elles émerveillèrent de nombreux artistes et écrivains de cette période : Proust, Mallarmé, Pissarro, Degas, Mucha, Seurat, Gauguin, Rodin, Debussy et Ravel témoignèrent de l’importance de cette découverte dans leurs pratiques artistiques et musicales. Selon Judith Gautier, de toutes les merveilles de l’Exposition de 1889, « la vision bizarre et séduisante de ces frêles danseuses » occupe le firmament des souvenirs. Paul Le Thimonnier y ajouta sa contribution à travers cette œuvre.

Oeuvre exposée en salle Sèvres n°22, au 1er étage