Histoire du musée

Jean-Marie de Silguy

Une ancienne famille bretonne

Les ascendants de Jean-Marie de Silguy figurent honorablement dans le nobiliaire de Bretagne. Le bisaïeul, Hervé Gabriel de Silguy (1701-1768) devient en 1726 sénéchal du présidial. Magistrat austère mais zélé au service du roi, il instruit le procès de Marie Tromeur, dite Marion du Faouët pendue en 1755. Son autorité  faisait « trembler tous les officiers du présidial de Quimper ». L’aïeul, Jean-Hervé (1728-1804), lui succède en mai 1757. Il préside en 1766 l’ordre du tiers aux états de Bretagne. Fréquentant Paris, où il visite son compatriote Elie Fréron, c’est aussi un esprit cultivé et éclairé, un ami des philosophes comme en témoigne sa bibliothèque où voisine L’Encyclopédie avec les travaux de Buffon, de Voltaire et d’Alexander Pope. Le père de Jean-Marie, le jeune comte Toussaint de Silguy (1760-1796) épouse en 1784 Angélique Conen de Saint-Luc, nièce de l’évêque de Quimper. Le 24 avril 1785, naît au château du Bot en Quimerc’h un premier fils prénommé Jean-Marie François Xavier : le bienfaiteur du musée. Les Silguy accueillent favorablement la Révolution, refusent l’émigration mais vivent dans une prudente retraite au manoir de Mesmeur en Fouesnant où Toussaint de Silguy désormais simple « cultivateur » a renoncé à sa particule.

Jean-Marie de Silguy : l’ingénieur des Ponts et Chaussées

Après de solides études à l’école centrale du département du Finistère où il bénéficie d’un enseignement scientifique, Jean-Marie de Silguy intègre l’école polytechnique le 1er janvier 1805 puis rejoint en novembre 1807 l’école d’application des Ponts et Chaussées. En fonction dans le Finistère de 1810 à 1827, il s’occupe essentiellement de routes et de voies navigables. On lui doit l’édification de la jetée de Camaret et la construction du canal de Nantes à Brest. A Quimper, en 1809, il fréquente brièvement la curieuse société pantomatique, association secrète proche de la franc-maçonnerie dédiée au culte des arts et des lettres. Muté ensuite à Mont-de-Marsan, puis à Bordeaux, il achève en avril 1850 une longue carrière à Paris avec le grade d’inspecteur général honoraire et le cordon d’officier de la légion d’Honneur. 

Propriétaire foncier, Jean-Marie de Silguy siège comme conseiller général de Fouesnant de 1814 à 1827. Au gré de ses mutations, il devient conseiller municipal à Mont-de-Marsan et à Bordeaux. Revenu à Quimper, il siège à partir d’octobre 1852 et jusqu’à son décès, parmi les membres du conseil municipal. Resté célibataire, il décède à Quimper le 9 novembre 1864.

Extrait du testament de Jean-Marie de Silguy rédigé le 31 mars 1861

Les objets constituant le legs «  comprendront :

1° Des tableaux, tant à l’huile qu’au pastel et à la gouache ou à l’aquarelle, provenant de diverses écoles, et notamment  des écoles Française, Italienne, Espagnole, Flamande, Hollandaise et Allemande. J’en ai dressé le catalogue sous la date du 25 mai 1857. J’invite l’administration municipale à le faire imprimer pour qu’il puisse servir aux artistes et aux visiteurs.

2° Des statuettes, figurines, bustes et bas-reliefs et médailles, soit en bronze, soit en marbre, soit en zinc, soit en plâtre ou en pâte, dite de composition ou en carton pierre.

3° Des gravures encadrées ou en feuilles ou en albums, soit au burin, soit à l’eau-forte, ainsi que des lithographies et des photographies.

4° Des dessins de différents maîtres, à diverses époques, tant originaux que copies. » 

Jean-Marie de Silguy : le mécène fondateur

Le legs de Jean-Marie de Silguy représente encore aujourd’hui le noyau le plus important du musée des beaux-arts de Quimper. C’est sans doute entre 1842 et 1852 que le collectionneur zélé a constitué la plus grande partie de son fonds en écumant les ventes parisiennes. Si la présence des catalogues de vente dans sa bibliothèque atteste de sa pratique, il semble que rien de sa passion ne transparaisse dans la correspondance qu’il échange avec son entourage.

 

L’étude plus approfondie des oeuvres conservées au musée (aidée par le récolement en cours) permet de mieux comprendre les orientations prises par de Silguy.

Comme beaucoup de collectionneurs de son temps, il a entrepris de collectionner dans l’optique d’avoir à sa disposition un « échantillon » de l’histoire de la peinture européenne du XVIe siècle à son temps. Les très nombreuses gravures rassemblées en recueils confirment cette ambition : les estampes de reproduction classées par écoles et par peintres lui servent d’iconothèque, de documentation de référence.

La peinture française est prédominante dans sa collection, notamment pour le XVIIIe et la première partie du XIXe siècle. On y observe son goût pour les esquisses, pour les portraits et les paysages. Quant aux achats d’artistes de son temps, ils témoignent de la curiosité d’un collectionneur aux prises avec l’art de son époque, même s’il reste insensible au romantisme ou au réalisme.

De Silguy n’hésite pas à acquérir des copies pour compléter son histoire de la peinture, lorsque les prix de vente lui interdisent l’accès aux oeuvres du XVIe ou du XVIIe.

L’achat d’une copie de la Joconde, contemporaine de celle de Léonard de Vinci, est symptomatique de cette volonté de fonder une collection idéale.

Les écoles flamande, hollandaise et italienne occupent également une place de choix, même si le collectionneur a souvent été généreux dans ses attributions à des grands maîtres qui sont aujourd’hui classés au rang d’anonymes.

Le fonds de dessins hérité de De Silguy présente les mêmes caractéristiques que celui de peintures : des œuvres de qualités diverses, de nombreuses copies dues à l’achat non pas à la feuille mais par lots, une prédilection pour le XVIIIe français mais contrairement à son goût pour la peinture, un fonds nordique très modeste.

Les œuvres françaises du XVIIIe permettent de brosser un panorama didactique de l’évolution du dessin et présentent des pièces de maîtres comme Watteau, Natoire ou Boucher.

 

A tout le moins, ce legs, de prime abord éclectique, nous éclaire sur l’histoire du goût et du collectionnisme et surtout nous laisse en héritage des chefs-d’œuvre qui font du musée ses beaux-arts de Quimper un des musées bretons les plus fréquentés.

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